SRI LANKA

XVe â–ą milieu du XXe

Il est courant de décrire le conflit séparatiste comme l’expression de tensions millénaires. C’est oublier que les identités ne se sont cristallisées sous leur forme actuelle qu’assez tardivement.

Les relations entre Tamouls et Cinghalais n’ont pris de caractère conflictuel que lors de brèves périodes historiques : à part quelques incidents sporadiques dans les régions kandyennes, du XVe au milieu du XXe siècles, aucune tension ne les a opposés.

XVe â–ą milieu du XXe

Il est courant de décrire le conflit séparatiste comme l’expression de tensions millénaires. C’est oublier que les identités ne se sont cristallisées sous leur forme actuelle qu’assez tardivement.


Les relations entre Tamouls et Cinghalais n’ont pris de caractère conflictuel que lors de brèves périodes historiques : à part quelques incidents sporadiques dans les régions kandyennes, du XVe au milieu du XXe siècles, aucune tension ne les a opposés.

XVe â–ą milieu du XXe

Il est courant de décrire le conflit séparatiste comme l’expression de tensions millénaires. C’est oublier que les identités ne se sont cristallisées sous leur forme actuelle qu’assez tardivement.


Les relations entre Tamouls et Cinghalais n’ont pris de caractère conflictuel que lors de brèves périodes historiques : à part quelques incidents sporadiques dans les régions kandyennes, du XVe au milieu du XXe siècles, aucune tension ne les a opposés.

Lorsque les Portugais prirent le contrôle des régions côtières de Sri Lanka en 1505, ils trouvèrent trois royaumes dans l’île : un royaume hindou dans la péninsule de Jaffna, un royaume cinghalais à Kandy et un deuxième royaume cinghalais sur la côte occidentale.

En 1658, les Pays-Bas chassèrent les Portugais et occupèrent les zones côtières du pays.

De 1796 à 1948, L’île est administrée par les britaniques.

Les Britanniques s’approprièrent des possessions hollandaises en 1796. En 1802, Ceylan devient colonie de la couronne.

En conquérant Kandy en 1815, les Britaniques complétèrent la colonisation de l’ensemble du territoire sri lankais. Il s’agit du premier contrôle unifié de l’île par un pays européen.

Les nationalistes cinghalais et certains historiens voient dans le processus de colonisation et de décolonisation les facteurs principaux initiant la crise sri-lankaise. Il faut dire que les politiques des administrateurs britanniques eurent un impact considérable sur la construction des identités : elles ne les inventèrent pas, mais donnèrent vie à l’épanouissement des politiques identitaires. Ces derniers sont alors fréquemment tenus comme responsables du renforcement de l'hostilité entre les deux peuples. Traditionnellement, l'administration du pays était partagée entre les royaumes cinghalais et tamouls et l'arrivée des Britanniques sera l'occasion de la première mise en place dans l'histoire de l'île d'une administration unifiée.

En 1911, le choix est fait de regrouper dans une catégorie unique toutes les personnes qui ont pour langue maternelle le cinghalais (à l’exception des Musulmans cingalophones).

Les populations qui partagent comme langue maternelle le tamoul continuent d’être divisées, elles, en quatre catégories (« Tamouls ceylanais », « Tamouls indiens », « Musulmans ceylanais », « Musulmans indiens »). L’appartenance religieuse est prise en compte afin de distinguer les Musulmans tamoulophones des Tamouls hindouistes et chrétiens qui sont seuls à être considérés comme Tamouls. Enfin, les catégories « Musulman » et « Tamoul » sont chacune scindées en deux avec une distinction entre les personnes considérées comme « fils du sol » (« Tamouls sri lankais » et « Musulmans sri lankais ») et celles considérées comme ayant immigré d’Inde à la suite de l’arrivée des Européens.

La question est complexe mais très importante sur le plan social et politique car elle joue sur la notion d’identité et est à la source des luttes pour le pouvoir.

En 1948, c'est l'indépendance. Le bouddhisme devient religion d’État.

Jusqu’à l’indépendance, les leaders politiques tamouls étaient unanimement en faveur d’un État sri-lankais unitaire. C’est seulement avec le Sinhala Only Act  de 1956 que les Tamouls sri-lankais commencèrent à réclamer une organisation fédérale du pays. Des positions sécessionnistes naquirent, mais elles resteront nettement minoritaires jusqu’à la moitié des années 1970.

Dans les années 1950 la formation politique tamoule dominante, le Federal Party organisa des manifestations contre le Sinhala Only Act et les programmes de colonisation des terres agricoles. Ces démonstrations publiques furent contestées et attaquées violemment par des bandes cinghalaises en 1956 et en 1958 : ce sont les premières émeutes contre les Tamouls.

Pendant les émeutes de 1958, les plus violentes, de 150 à 200 Tamouls furent tués, et nombre de leurs propriétés saccagées.

Suite à ces événements et aux mesures discriminatoires, les facteurs unissant les Tamouls « sri lankais » sur le domaine politique gagnèrent du terrain sur les éléments centrifuges, comme par exemple les castes. Néanmoins, les frontières culturelles et les différends politiques subsistant entre Tamouls « sri lankais », Tamouls «  des plantations » et Musulmans n’ont pas permis l’union politique de ces trois communautés.

1970 ▹ Retour au pouvoir du SLFP (Sri Lanka Freedom Party), avec des objectifs axés sur la primauté de la culture et de la langue cinghalaise ainsi que de la religion bouddhiste).

1971 ▹ Insurrection des jeunes Cinghalais marxistes-léninistes du Janatha Vimukthi Peramuna (JVP ou front de libération du peuple).

1972 ▹ Le pays devient officiellement Sri Lanka avec l’adoption d’une constitution républicaine.

1976 ▹ C'est le tournant : le TUF, dans la résolution de Vaddukkodai, explicita sa demande à l’autodétermination. La même année, il ajouta à son nom le mot « libération », devenant ainsi Tamil United Liberation Front (TULF). Toujours en 1976, un groupe d’étudiants fonde les Tamil New Tigers (TNT) qui deviendra le Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE), tandis que dans la foulée sont créés une multitude d’autres groupes, les plus importants étant le People’s Liberation Organisation of Tamil Eelam (PLOTE), le Tamil Eelam Liberation Organisation (TELO) et l’Eelam People’s Revolutionnary Liberation Front (EPRLF).

1977 ▹ Le TULF sollicite le vote des électeurs Tamouls et Musulmans pour un mandat visant à établir l’« État indépendant, souverain, socialiste de l’Eelam tamoul. » Il devint le principal parti d’opposition et revendiqua l’indépendance de l’Eelam tamoul, et ce jusqu’en 1983. Des émeutes ont lieu au moment des élections : dans les régions à majorité cinghalaise, des Tamouls furent attaqués, et certains tués, par des Cinghalais.

 

1978 ▹ Les actions s’intensifient. L’État d’urgence est proclamé à Jaffna où l’armée est dotée des pleins pouvoirs, une loi anti-terroriste est votée.



 

La guerre à Sri Lanka s’est officiellement déclenchée en 1983, intensifiée dans les années 1990, un cessez-le-feu a été conclu de 2002 à 2005, pour se solder par une fin de partie militaire meurtrière en 2009.

En 1981, des groupes d’hommes de main de l’UNP (United National Party), commettent une série d’exactions.

Suite à l’assassinat de deux policiers cinghalais, la police et des groupes paramilitaires tuèrent des civils Tamouls, saccagèrent et incendièrent des édifices de la ville. Ce fut le cas, notamment de la bibliothèque, qui, avec ses 97.000 volumes, dont de nombreux manuscrits irremplaçables, était l’une des plus grandes de toute l’Asie. Elle fut complètement détruite. Ce fait fut interprété par les Tamouls comme une attaque intentionnelle contre leur culture et leur histoire.

Le 23 juillet 1983, dans les environs de Jaffna, les LTTE tendirent une embuscade à un convoi militaire et tuèrent quinze soldats ; ils revendiquèrent l’attentat.

Le lendemain, dans la nuit, après les funérailles des militaires à Colombo, des bandes armées s’attaquèrent aux Tamouls résidant dans la capitale, saccagèrent et incendièrent leurs maisons et leurs biens et firent de nombreuses victimes. Le 25 juillet les violences s’étendirent à d’autres parties du pays où résidaient des minorités tamoules : Kandy, Matale, Nawalapitiya, Badulla et Nuwara Eliya. Nombre de Tamouls furent assassinés à l’arme blanche. Divergeant nettement des chiffres annoncés par les autorités, faisant état de 250 Tamouls tués, les ONG estiment que le nombre de morts fut de 400 à 3.000 et qu’environ 18.000 propriétés et maisons tamoules furent détruites.


Le pogrom de 1983 constitua un passage décisif dans la descente vers la guerre civile : il poussa des milliers de jeunes à s’enrôler dans les groupes armés. Le conflit change de dimension et atteint un point de non-retour, il s’étend au Sud de l’île et s’internationalise.

C’est l’intervention indienne de juillet 1987 et son échec, patent deux ans plus tard, qui donnent aux LTTE un quasi-monopole de la lutte armée.

Aussitôt élu, le président Premadasa cherche à désamorcer les deux conflits qui menacent son autorité, en demandant à l’Inde de retirer ses troupes pour ôter à la fois au JVP et aux Tigres un argument décisif en faveur de la lutte.


Alors qu’il parvient à maîtriser puis annihiler le JVP, Premadasa offre aux Tigres l’occasion de se réinstaller en maîtres à Jaffna après le retrait indien effectif en mars 1990, leur donnant même accès à un approvisionnement en armes.


Les LTTE éliminent aussitôt les groupes tamouls concurrents qui avaient collaboré avec les Indiens. Seule le TULF qui est un parti politique garde une certaine autonomie et une influence manifeste auprès de la population tamoule de la province orientale et de celle qui réside dans la région de Colombo.


Cette guerre, officiellement déclenchée en 1983, s'est intensifiée dans les années 1990.

Un cessez-le-feu est conclu de 2002 Ă  2005.

La guerre se solde par une fin de partie militaire meurtrière en 2009.


Entre 1983 et 2009, l’émigration sri-lankaise temporaire ou durable a concerné 8% à 10% de la population de l’île, et les diasporas principalement tamoules représentent plus d’un million de personnes si l’on compte les descendants des migrants. Le rôle de ces diasporas dans le conflit est passé sous silence.

Les démons qui agitent Sri Lanka, par Anthony Goreau-Ponceaud © ACOR, 2018